En introduction et en écho avec la séance précédente, Solen Kamba commente le texte de Stephen Marche :

Marche, S. (2012, 28 octobre). Literature Is not Data: Against Digital Humanities. Los Angeles Review of Books. https://lareviewofbooks.org/article/literature-is-not-data-against-digital-humanities/

Quelques remarques sur ce texte #

Artificial intelligence has already changed health care and pop music, baseball, electoral politics, and several aspects of the law. And now, as an afterthought to an afterthought, the algorithms have arrived at literature, like an army which, having conquered Italy, turns its attention to San Marino.

Le cadre est posé : l’arrivée de certaines technologies dans le domaine littéraire est perçue comme une agression. Voici quelques points à discuter :

• un livre peut-il être réduit à des données juste parce que ses pages sont découpées et scannées ?
• le problème vient-il de la communauté littéraire elle-même ? « writers and professors […] are, in fact, profoundly, deeply, organically conservative. »
• peut-on réellement ignorer les enjeux techniques liés à la littérature alors qu’ils sont présents depuis plus longtemps que le numérique ?
• les humanités numériques sont-elles une tentative de réduire toute chose, et surtout toute chose écrite, à une donnée calculable ?

Which is why algorithms, exactly like fascism, work perfectly, with a sense of seemingly unstoppable inevitability, right up until the point they don’t.

Les doutes ou plutôt le rejet qu’exprime Stephen Marche contre les humanités numériques dans le domaine de la littérature sont louables, il y a une volonté de conserver une dimension poétique. Si effectivement il paraît peu réaliste et peu souhaitable de rendre la littérature calculable, en revanche des opérations peuvent appliquer à certains objets littéraires, sans pour autant les réduire à des données froides.

Nous avons déjà abordé la question de la publication lors de la dernière séance. Nous allons désormais essayer de comprendre en quoi les questions de publication numérique et les humanités numériques ont beaucoup en commun et se sont développées conjointement.

L’enjeu de la publication est celui de rendre public, mais qu’est-ce que cela signifie ? Il s’agit de déterminer quels sont les formats adéquats pour des contenus et des personnes qui vont les consulter.

Si cette question peut paraître triviale, à savoir quel(s) format(s) choisir pour des contenus majoritairement textuels, en vérité c’est une question beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît :

• quelle structure de contenu ?
• quels formats de fichier ? PDF, EPUB, DOCX, HTML, etc.
• est-ce que ce format va être lu par un humain ou une machine ?
• est-ce que le fichier doit/peut être lu par plusieurs dispositifs différents ?
• autant de questions éditoriales et techniques sur lesquelles il faut statuer.

La diffusion est une étape complexe et délicate : il s’agit de rendre accessible/visible des contenus dans des espaces pertinents. L’exemple du livre imprimé dans une librairie traduit très bien cette question, comment faire pour qu’un livre soit visible parmi beaucoup de livres.

Mais alors, si la publication semble de plus en plus accessible, sommes-nous à un tournant où l’édition serait amenée à disparaître ? Est-ce que les étapes intermédiaires de choix, de relecture, de mise en forme, d’inscription dans un catalogue, etc., peuvent disparaître ? Est-ce que ce n’est pas là une vision à court terme qui ne sert que des intérêts financiers ?

Sur ce schéma n’apparaissent pas notamment les opérations du choix, ou de la légitimation, cette dernière pouvant s’exprimer par l’intégration d’un titre dans une collection ou un catalogue.

Cette définition correspond assez largement à la fois à l’édition et à la publication, puisque toutes les étapes sont comprises dans cette définition. Il faut retenir ici qu’une chaîne de publication (ou d’édition) correspond à l’ensemble des outils et des processus, et qu’il ne s’agit pas simplement de solutions techniques juxtaposées.

Le lien ici entre humanités numériques et publication se dessine : il ne s’agit pas que l’utilisation du numérique pour produire quelque chose, le recours au numérique questionne et interroge les processus à l’œuvre.

Globalement c’est l’assemblage d’un traitement de texte et d’un logiciel de publication assistée par ordinateur, avec éventuellement le passage par un outil d’édition numérique (pour le balisage typiquement).

Retour sur le texte de Ruth Evans Lane :

• en partant des propriétés du livre imprimé (pérennité, facilité d’utilisation, portabilité), il est possible d’imager de nouvelles façons d’éditer et de produire des catalogues ;
• l’édition imprimée est souvent limitée à des allers-retours dans un traitement de texte (ici Word) ;
• éditer pour le Web permet une approche différente : d’autres langages et d’autres outils ;
• vers une certaine horizontalité ;
• des outils informatiques pour faire de l’édition ?

Pourquoi parler d’approches réflexives ? Parce qu’il y a un double mouvement théorique et pratique : d’une part …